Habille-moi, si tu peux !
Tu connais le syndrome de la mère qui pense que tu as toujours froid et qui te momifies sous quatre écharpes, deux bonnets, les gants, les sous-gants, les sous pantalons, les chaussettes en laine et les thermodactyls ? Freud nous dirait que c'est la mère primaire, la mère enveloppante qui tente de recréer dans le monde extérieur hostile, la chaleur de son ventre. Vas expliquer ça au minot asphyxié sous la cagoule - je sais que c'était une des pièces préférées de votre enfance ! Dans la série, on avait aussi le fuseau, formidable pantalon avec élastique sous les pieds. "Bien sûr qu'on attrape froid par les chevilles chérie ! " Tu as alors 8 ans, un sens aigu de ce que ridicule veut dire et déjà quelques doutes sur la crédibilité de tes parents.
Vous connaissez sinon la mère qui réalise ses rêves d'enfants en transformant sa fillette en tacite marionnette. Jupe à volants, col à volants, chaussures à volants, noeud à gauche, noeud à droite, noeud entre les volants des chaussures. Une certaine idée de la beauté, signe extérieur de fierté qui se compte aux nombreux de noeuds piqués sur la tête blonde. Un mélange savoureux entre Alice aux Pays des Merveilles et des oeufs de Pâques. Ah j'entends la petite voix de Freud me parler de transfert affectif, de projection d'image, de déficience identitaire. Et je n'entends plus la voix de la fillette, noyée dans les névroses maternelles.
Les vêtements : une vraie question d'éducation
Outre ces deux situations caricaturales, petites mises en bouche pour vous décrocher un sourire, de nombreux conflits individuels et sociaux se nouent autour du vêtement et de la place qu'on lui accorde : appartenance à une catégorie sociale, à un groupe, à un genre. De valeurs qu'ils véhiculent et de la socialisation dans les premières phases de la vie de l'enfant comme celles plus avancées de l'adolescent. Le vêtement, rituel quotidien et obligatoire, est finalement au centre de questions éducatives telles que l'apprentissage du regard de l'autre, de l'affirmation de soi et de la subtile différence entre présentation et représentation. Une fois passée la phase de l'identification parentale, l'enfant scolarisé tentera à travers le vêtir d'appartenir à un clan sous peine de rejet et d'isolement de l'enfant : même chaussure, même pantalon, même t-shirt, c'est bon tu fais partie de ma bande ! Cette uniformisation dangereuse peut être source de perturbation à la fois de la compréhension des liens sociaux, de l'acceptation de soi et, plus largement, du rôle du vêtir dans l'être. Vous vous attendez dans la phrase suivante à une pétition pour le retour de l'uniforme hein ? Mais non, mais non, ... enfin seulement s'ils sont faits en fils recyclés !
Ces quelques mots pour se rappeler que derrière un acte d'achat comme de création d'une pièce, c'est un rapport à l'autre, au monde et à soi qui se définit. On ne parle pas uniquement de vêtement !
UPÉ, les vêtements... juste pour vivre
Alors quelle est l'ambition d'une marque qui se lance dans la mode enfant ? Reproduire à l'échelle planétaire une série de clones fidèles à l'image rêvée que sa créatrice se fait des enfants ? Vous sentez le projet machiavélique en train de prendre forme sous l'aspect anodin d'un sweat ?
Plus sérieusement en créant UPÉ, nous avons voulu d'abord nous effacer et écouter vos besoins et ceux de vos enfants. C'est pour ca que chaque nouveau produit débute par un questionnaire. Créer une marque sans créateur, mais une plateforme d'échanges et de co-construction dont résultent les produits. En écoutant vos besoins, nous avons donc essayé de concevoir des vêtements pratiques et faciles à mettre, à enlever, à tâcher.
Si le vêtement peut être un territoire d'affirmation, il est d'abord celui de l'autonomie, d'expérimentation de ce "je" qui n'est plus un pantin désarticulé mais bien moteur de l'habillage. Certes à son rythme, certes avec des ratés - ah bon, le legging ça s'enfile pas par les bras ?. Aussi, était-il essentiel pour nous d'encourager l'autonomie pour enfiler les vêtements mais aussi pour les enlever dès que l'enfant se sent apte à exprimer ses sensations et qu'il souhaite voir l'effet direct du vêtement ôté sur l'amélioration de son ressenti. C'est pour ça que le sweat a une encolure large et des manches tombantes. Finalement, ce que nous imaginons, ce sont des vêtements "à vivre".
Et le style dans tout ça ? "Territoire de style", si l'on veut vraiment se la jouer expert ! Hum... ici, on a tendance (petit jeu de mot) à croire que nos enfants ont suffisamment de personnalité pour que leur pull n'ait rien besoin de dire à leur place. Ce qu'on fait c'est finalement un vêtement pratique et utile, sans autre ambition que de les tenir au chaud mais pas trop, toujours avec confort. Nous espérons que vous n'aurez aucune négociation à avoir pour que vos enfants portent nos pièces. Et si c'est le cas, c'est qu'on se sera plantés alors il faudra nous le dire, il faudra surtout qu'eux nous expliquent pour que nous arrivions à créer - nous et les super couturières - la pièce qu'ils ne voudront pas lâcher !
Avec toute mon affection pour les mères enveloppantes, la mienne, les mères qui nous caricaturent de fierté, les mères qui nous aiment !
Marine